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Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/34

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PRÉFACE.

je ne peux le faire ici. Si j’ai cru devoir en dire quelques mots dans cette préface, c’est afin d’expliquer pourquoi, au lieu de s’accroître, le dégoût que m’inspirait la biographie des musiciens a tout à coup disparu. Pendant bien des années l’exactitude m’avait paru être la qualité la plus nécessaire d’un livre semblable, et mes efforts constans avaient eu cette mécanique de fureteur de paperasses, beaucoup plus facile qu’on ne croit, pourvu qu’on soit doué de patience et d’attention. Je me demandais souvent quel bien pouvait être le fruit de mes minutieuses recherches ; car de trouver à point nommé les dates de la naissance et de la mort des artistes, les titres de leurs ouvrages et l’indication précise des éditions qu’on en a faites, cela est sans doute nécessaire, mais il n’y a guère qu’une curiosité de bibliophile qui puisse y goûter une complète satisfaction. Il faut quelque chose de plus pour des lecteurs d’un esprit élevé, et l’échafaudage d’une érudition de bibliothécaire serait assez peu estimé de ceux-ci, si elle n’était soutenue par une appréciation raisonnée du mérite des artistes et de la valeur de leurs ouvrages.

Mais d’autre part, qui ne sait combien d’incertitude il y a dans les jugemens qu’on porte sur les produits des arts ? Les thèses contraires ont été soutenues avec un égal succès sur presque toutes les questions qui sont du ressort de la musique. Si impartial que veuille paraître le critique, son opinion ne peut jamais avoir plus de poids que n’en a en général ce qu’on appelle une opinion. En vain aura-t-il lu, avec toute l’attention dont il était capable, les ouvrages dont il analysera le mérite ; il n’aura pas dans ses jugemens beaucoup d’avantage sur ceux qui en parlent sans les connaître.

Si les principes réels de l’art étaient découverts ; si tout ce qui a été fait dans cet art depuis les temps les plus anciens jusqu’à ce jour pouvait être ramené à un certain nombre d’idées radicales ; si, dans l’examen des productions d’un artiste, d’un théoricien, d’un méthodologue ou d’un historien de la musique, il était possible de discerner celui de ces ordres d’idées auquel appartiennent leurs travaux, et de tenir compte des circonstances où ils étaient placés au moment de la production ; alors l’appréciation de ces travaux et de ces productions ne serait plus le résultat de certaines