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Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/36

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xxxii
PRÉFACE.

n’était pas à moi de juger du mérite de cette utilité éventuelle ; j’ai donc dû citer tout ce que j’ai connu, réservant mes analyses pour ce qui a eu du retentissement dans l’histoire de l’art.

Une difficulté s’est présentée cependant : il s’agissait du parti que j’avais à prendre à l’égard des contemporains. Devais-je louer ou blâmer les productions d’artistes dont la sensibilité est rarement satisfaite de l’éloge et s’irrite toujours de la critique ? Les biographes prennent en général pour devise cette maxime de Voltaire : On doit des égards aux vivans ; on ne doit aux morts que la vérité. Pour moi, qui pense qu’on doit la vérité à tout le monde, quand on croit la savoir, j’ai dit ce que l’étude et l’analyse m’ont enseigné sur chaque chose, sans m’informer du temps où vivaient ceux qui les ont produites. Tout artiste, tout écrivain qui manifeste son existence par la publication de ses œuvres, cesse de s’appartenir ; il court les chances de la critique comme celles de l’éloge. D’ailleurs, il ne s’agit pointe sa personne, mais de ce qu’il a fait ; ce qu’on examine, ce qu’on a toujours le droit de considérer, c’est l’influence bonne ou mauvaise qu’il a exercée sur l’art ou sur la science. Je sais qu’on objecte le danger des passions contemporaines dans les jugemens qui ne sont pas prononcés par la postérité ; mais j’ai déjà dit que ce danger ne peut exister que lorsque l’on n’a d’autres règles d’analyse qu’un sentiment vague du beau ou de certaines doctrines empyriques : il disparaît devant les règles absolues de la philosophie de la musique.

À l’égard des talens d’exécution, qui malheureusement ne laissent après eux que des traces fugitives dans la mémoire de ceux qui en ont jugé de auditu, et qui sont à peu près comme s’ils n’eussent point existé pour ceux qui ne les ont pas entendus, j’ai eu soin de comparer tout ce qui en a été dit, et laissant à part les critiques de l’ignorance ou de l’esprit de parti, qu’on retrouve à toutes les époques, j’ai toujours considéré comme un artiste remarquable celui qui a réuni en sa faveur la majorité des suffrages, et qui a excité de son temps ces transports universels d’admiration qui ne peuvent jamais être le résultat d’une erreur.

En général, on trouvera dans l’énoncé de mes opinions une sorte d’éclectisme qui ne sera pas du goût de tous les lecteurs de la Biographie universelle des Musiciens : je dois à ce sujet quelques explications.