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Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/58

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RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE

ordre à Lyng-lun, l’un des principaux personnages de sa cour, de travailler à régler la musique. Lyng-lun se transporta dans le pays de Si-joung, dont la position est au nord-ouest de la Chine. Là est une haute montagne où croissent de beaux bambous. Chaque bambou est partagé dans sa longueur par plusieurs nœuds qui, séparés les uns des autres, forment un tuyau particulier. Lyng-lun prit un de ces tuyaux, le coupa entre deux nœuds, en ota la moelle, souffla dans le tuyau, et il en sortit un son qui n’était ni plus haut ni plus bas que le ton qu’il prenait lui-même lorsqu’il parlait, sans être affecté d’aucune passion[1]. Non loin de l’endroit où Lyng-lun se trouvait, la source du fleuve Hoang-ho, sortant de la terre en bouillonnant, faisait aussi entendre un son ; or il se trouva que, par un hasard merveilleux, ce sont était précisément à l’unisson de celui que Lyng-lun avait tiré de son tuyau.

Le miracle ne s’arrête pas là, car un Foung-hoang (oiseau qui s’est perdu à la Chine, comme le phénix chez d’autres peuples) vint, accompagné de sa femelle, se percher sur un arbre voisin. Là, le mâle fit entendre des sons dont le plus grave était aussi à l’unisson de celui du tuyau de Lyng-lun et du fleuve Hoang-ho ; successivement il produisit plusieurs autres sons qui formaient entre eux six demi-tons parfaits ; et sa femelle chanta à son tour six demi-tons imparfaits. Lyng-lun n’eut pas plus tôt entendu cette merveille qu’il coupa douze tuyaux (les Chinois ont oublié qu’il en fallait treize) à l’unisson des douze demi-tons fournis par la voix des Foung-hoang, et ravi de sa découverte, il porta ces tuyaux à l’empereur, qui ordonna que les douze demi-tons trouvés d’une manière si miraculeuse seraient la règle de l’échelle musicale. On donna à ces notes de la gamme le nom de lu.

Tous les chefs de dynastie qui se succédèrent à la Chine donnèrent des soins à la musique de leur empire ; mais, suivant les historiens du pays, il y en eut qui, au lieu de contribuer à sa perfection, en altérèrent les principes. Après l’extinction des Hans, des guerres continuelles désolèrent l’empire, et les mœurs des Tartares vinrent se mêler à celles des Chinois. Le pays, divisé en petites souverainetés, ne conserva pas un système de musique uniforme. L’extinction d’une multitude de petites dynasties, et la réunion de toutes les parties de la Chine sous la race des Tang, dans l’année 618 de l’ère chrétienne,

  1. Tout est surnaturel dans cette histoire, car en vain soufflerait-on dans un tuyau de bambou ouvert aux deux bouts ; il n’en sortirait que du vent au lieu de son. Un tuyau de cette espèce ne résonne que lorsqu’une de ses extrémités, taillée en biseau, est bouchée en partie.