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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/10

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gnie, et moi je rentrerai de bonne heure. Je suis gai, vois-tu, je suis heureux : le docteur Lenoir m’a dit qu’il te guérirait. Et c’est un médecin, celui-là ! Tu ne sais pas, toi : tout le monde nous aime, ma petite maman chérie. Le docteur m’a dit encore : Roland, tu as une belle et bonne mère. Il lui faut du calme, de l’espoir, du bonheur… Pourquoi soupires-tu ? Le calme dépend de toi, l’espoir je te l’apporte, le bonheur… Dame ! le bonheur viendra quand il pourra !

Thérèse l’attira sur son cœur encore une fois.

— J’ai à causer avec toi, dit-elle.

— Attends ! Je n’ai pas fini. Tu serais déjà guérie, si le docteur Lenoir était venu il y a un mois. Je vous défends de secouer votre belle tête pâle, ma mère… Ne t’ai-je pas dit que j’apportais l’espoir ? Le maître a vu mes dessins. Il a passé une grande heure… oui, une heure, entends-tu, à retourner mon carton sens dessus dessous. Je ne balaierai plus l’atelier, je n’irai plus acheter le déjeuner de ces Messieurs ; je suis rapin en titre d’office : rien que cela ! apprenti Michel-Ange ! bouture de Raphaël ! Demain, j’aurai mon chevalet, ma boîte, mes brosses, comme père et mère… et une indemnité de deux cents francs par mois !

— Ton maître est un grand et bon cœur, dit Thérèse les larmes aux yeux. Nous reparlerons de cela, Roland. Tu vas avoir toute ta soirée, mon enfant chéri, car je n’ai pas besoin de toi…

— Bien vrai, maman ? c’est que tu n’aurais qu’un mot à dire… au diable le costume de Buridan ! Il est magnifique, tu sais ?

— Je n’ai pas besoin de toi, répéta doucement la malade. Seulement, avant de rejoindre tes amis, tu me feras une commission. Tu vas partir tout de suite.

— Tu ne veux donc plus causer ?

— Je voudrais causer toujours, et t’avoir là, sans cesse, près de moi, mon Roland, mon dernier bien ; mais il y va de