Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/138

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mystérieux que le célèbre inconnu des mélodrames, s’enfla, gagna, s’extravasa jusqu’à l’Odéon d’un côté, jusqu’à la Croix-Rouge de l’autre, et passa même les ponts en prenant tout droit la rue du Bac.

Voici cependant un fait singulier : Mme Thérèse, la mère de Roland, demeurait au no 10 de la rue Sainte-Marguerite, en plein milieu de ce quartier, mis en émoi par l’aventure du Buridan. Nous savons comme elle adorait passionnément ce fils, son dernier bien ; nous savons aussi quelle importance peut-être exagérée elle attachait au dépôt confié, les vingt billets de mille francs ; comment ne donnait-elle point signe de vie ?

Certes, la maladie et la pauvreté la faisaient bien impuissante, mais pourtant, elle n’était pas isolée au point de ne rien tenter en des circonstances si graves. Elle avait à tout le moins la voisine, Mme Marcelin, et le docteur Abel Lenoir, dont le généreux intérêt s’était traduit autrement que par des paroles.

La perte d’un fils bien-aimé est un de ces événements qui galvanisent la paralysie elle-même, et la mère de Roland avait toute sa raison. Avertie par la rumeur publique, qui bourdonnait tout autour d’elle, mise sur la voie par cette circonstance du costume, un des traits distinctifs de l’anecdote incessamment et partout répétée, comment Mme Thérèse pouvait-elle rester dans cette inaction et garder ce silence ? Ici, le premier venu peut servir de messager ; la police ne manque à personne et l’affaire en était arrivée à ce point que les passants du trottoir en savaient aussi long que le commissaire.

Nous avons soulevé cette question à laquelle il sera répondu, parce qu’elle explique la conduite de Roland et qu’elle donne la clé de l’énigme posée par lui à la science de son chirurgien. Roland, depuis plusieurs jours déjà, jouait la comédie.

Il avait été blessé horriblement. La dague de Joulou avait pénétré à de telles