Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/163

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La mère se pencha et mit un baiser sur le front de Nita.

M. le duc réprima un geste d’impatience.

— Ne croyez pas, Madame ma tante, reprit-il d’un accent courtois mais sévère, que vous ayez besoin de témoins contre moi. Mon frère Raymond était l’aîné et le préféré. Je l’aimais comme vous l’aimiez tous et je l’ai prouvé. Son héritier, s’il existe…

— Il existe ! l’interrompit la mère avec vivacité.

— Je le crois comme vous, Madame ma tante, dit froidement le duc, et peut-être ai-je, pour le croire, de meilleures raisons que vous…

La vieille religieuse lui tendit la main comme malgré elle et murmura pour la seconde fois :

— Après tout, Monsieur mon neveu, vous êtes un de Clare !

C’était, dans sa bouche, le suprême éloge. Le duc sourit avec hauteur.

— Je suis, poursuivit-il, sans s’animer, un gentilhomme et surtout un honnête homme. J’aime et je respecte le grand nom qui est menacé de mourir avec moi, puisque je n’ai point de fils. En vous-même, Madame ma tante, vous me reprochez de ne point partager votre enthousiasme. Je vous promets de me conduire comme si j’avais de l’enthousiasme. Le fils de mon frère, s’il existe, je répète le mot parce qu’il faut ici une rigoureuse certitude, aura la fortune et les titres de son père, j’y engage ma foi d’homme d’honneur !

— On ne peut vous demander plus, Monsieur mon neveu, répondit la vieille religieuse avec calme, car, ce faisant, vous vous dépouillerez de ce que vous possédez depuis longtemps.

— Je ne me dépouillerai pas, Madame. Je restituerai à qui de droit un dépôt confié, voilà tout.

Pendant le silence qui suivit ces mots, prononcés d’un ton froid et fier, la mère déposa la miniature sur son lit. Nita s’ap-