Aller au contenu

Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toussa et poursuivit précipitamment :

— Voilà donc l’histoire : le mercredi des Cendres, elle n’était pas mal. Comme tu ne revenais pas, et qu’elle s’inquiétait, je lui touchai deux mots du fameux costume de Buridan. Elle prit bien la chose, très bien ; elle aurait voulu te voir en capitaine. Pauvre femme ! Le soir, elle eut plus de fièvre. Le docteur Lenoir me demanda si tu avais déjà fait des absences. Celui-là est un digne homme, sais-tu ? L’autre, le Samuel, est venu toucher quand on a fait la vente, pour vider la chambre… Ah ! on peut dire que ça n’a pas moisi, les affaires qui étaient là-dedans !

— Pourvu qu’on m’ait laissé de quoi me changer, dit Roland.

— On n’a rien laissé du tout, et le propriétaire réclame encore un demi-terme. Tu t’en iras comme tu es venu, mon pauvre ami ; tu as bien laissé une redingote et un pantalon là-bas, je suppose… Mais faisons vite : j’ai ma nièce… Ce fut le surlendemain qu’elle parla pour la première fois des vingt mille francs. À la fin de la semaine il y eut dans le quartier le bruit d’un jeune homme assassiné ; on ne parlait que de ça ; tu conçois qu’on n’alla pas le lui dire… J’abrège parce que ce n’est pas une heure à recevoir des visites, et je n’aime pas faire jaser ; mais tu reviendras quand tu voudras, et nous causerons… Ah ! les jeunes gens ! les jeunes gens !

— Que croyait-elle de moi ? demanda Roland qui ne pleurait pas et dont la voix sortait brève de sa gorge contractée.

— Tu prends encore assez bien la chose, répliqua Mme Marcelin sèchement. C’est heureux. Je m’attendais à des manières… peste ! nous avons du sang-froid ! Mais, au fait, un peu plus tôt, un peu plus tard, il fallait bien s’attendre à cela. Ce