Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/184

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t’ont-ils fait mener, mon sauveur ! Tu es changé, abîmé, perdu !

— Ce n’est pas ce que vous croyez, voulut l’interrompre Roland.

— Bien, bien, dit-elle, je ne crois rien et j’ai ma nièce ; sans ça je t’aurais toujours donné à coucher, c’est certain, mais tu comprends, ayant ma nièce…

— Parlez-moi de maman, je vous en prie, l’interrompit encore Roland.

— Pauvre grand enfant, soupira Mme Marcelin, me l’ont-elles assez arrangé ! que veux-tu que je te dise ? Elle avait des secrets, c’est sûr ; mais elle ne me les a pas confiés… Tu n’es pas un voleur, peut-être ! Pour ça, j’en mettrais ma main au feu ; eh bien ! elle parlait d’un portefeuille avec vingt billets de mille francs dedans. Vingt mille francs, la bonne dame ! Où les aurait-elle pris ! C’était sa tête qui déménageait !…

Pendant qu’elle parlait, son regard ne quittait point Roland, car elles sont espions, tout naturellement. Roland gardait les yeux baissés ; il ne répondit pas.

— Ah bah ! fit-elle, très étonnée : vraiment ! l’histoire des vingt mille francs était donc vraie ? Alors, il doit bien te rester quelque chose ? Réponds… Excusez, il ne lui reste rien ! Elles t’ont mangé jusqu’à l’os ? En vingt-trois jours, ça ferait trois cent cinquante mille francs par an ; une jolie aisance !

— Mon petit, reprit-elle en lui fermant la bouche d’un geste, elles ont plumé des oiseaux plus rusés que toi. C’est leur état. Je ne te demande pas tes aventures : j’ai ma nièce, sans cela je t’aurais offert… mais je te l’ai déjà dit.

Ici un ronflement sonore et de la plus mâle espèce se fit entendre derrière la porte de la chambre à coucher. Mme Marcelin