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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/203

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« Chasseur diligent. »

L’étudiant râpé Piquepuce et le flambant gamin de Paris Cocotte parurent aussitôt à ses côtés. On eût dit qu’ils sortaient de terre.

— Demain, dix heures, ordonna M. Lecoq, il fera jour, rue Cassette, numéro 3, étude Deban. Demander M. Jaffret, prendre le plan exact de la maison tout entière. Principalement : moyens d’aborder la pièce où sont les dossiers… À la niche !

Cocotte et Piquepuce reçurent chacun une légère indemnité en forme d’avance sur le travail commandé et s’éclipsèrent. M. Lecoq revint vers Marguerite qui, à ce moment même, touchait l’épaule de Roland, disant :

— Madame, êtes-vous malade ?

Lecoq se mit à rire. Roland n’avait pas donné signe de vie. Marguerite ouvrit son riche porte-monnaie et déposa un louis sur les genoux de la prétendue femme, ajoutant comme on s’excuse :

— J’ai eu faim : je m’en souviens.

— À tout prendre, murmura M. Lecoq en lui offrant son bras, quand on peut jouer le rôle d’ange pour vingt francs, ce n’est pas cher. Je suis fatigué : partons.

Il voulut entraîner Marguerite qui résista et montra du doigt l’orgie de l’estaminet Corneille. La figure de Joulou ressortait, effrayante de pâleur, au milieu de la confusion du tableau.

— Si celui-là s’éveille jamais, prenez garde… commença-t-elle.

— On le rendormira, l’interrompit Lecoq.

Elle se tourna vers lui, sombre et belle, car elle venait d’ôter son masque.

— Vous ne le connaissez pas comme moi ! murmura-t-elle.

Ils étaient maintenant sur les marches, entre Roland et la voiture dont le cocher sommeillait. Ils tournaient le dos à Roland qui fit un mouvement, — le premier depuis une longue demi-heure. Sa main maladroite et lente dérangea les plis du châle qui voilait son visage, et son regard ardent se fixa sur Marguerite. Celle-ci poursuivait :

— J’ai peur de lui… et je ne voudrais pas qu’on lui fît du mal. C’est ma brute : un loup qui est beau comme un lion quand il se bat. Il n’a pas assassiné, non ! L’autre avait un couteau dans la main.