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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/230

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III

Sevrage de Saladin.


Dix heures sonnant, Gondrequin-Militaire poussa un cri aigu auquel M. Baruque répondit par un chant de coq. Aussitôt tous les caporaux imitèrent le gloussement de la poule. C’était à faire illusion. Plusieurs rapins lancèrent la note douce et monotone qui est l’appel d’amour du crapaud au printemps. Mlle Vacherie, qui avait plus d’un talent, imita la chanson du corbeau dans les montagnes solitaires ; son oncle, le Patagon, renifla comme un âne entier ; le directeur des singes savants chanta la Marseillaise, Similor aboya, Échalot miaula, Saladin, le misérable enfant, exhala des plaintes déchirantes, tandis que l’Albinos, ôtant sa filasse blanche, déclamait le récit de Théramène avec un haut accent méridional. Par-dessus ces divers soli, la grande voix de l’atelier Cœur d’Acier s’éleva, reproduisant tous les bruits de la nature et de la civilisation, depuis le grincement de la scie jusqu’aux cris de canards, qui firent jadis la réputation de la vallée de Tempé.

Tout cela s’exécutait dans un ordre admirable comme le remue-ménage célèbre de l’horloge de Strasbourg à l’heure de midi. Personne ne riait. La gaîté des peintres fait frémir, qu’ils soient élèves de Ra-