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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/239

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dans le commerce, et moi, je tirais l’œil mollement. Quoi ! il faut la réussite pour étayer la capacité. Alors, on avait passé la nuit de la mi-carême à se débaucher à la Renaissance de Cypris, barrière d’Italie, chez Tronçon dont on mangeait l’enseigne. Fixe ! ou je me tais ! Nous descendions donc, sur le matin, après la bamboche, l’atelier à pied, M. et Madame dans un fiacre et ronds comme des ballons : le fiacre arrivait ici dessous, dans la rue, quand les chevaux s’arrêtèrent court. Rudaupoil cria : allons de l’avant, comme des tigres ! moi, je dis : le temps fuit, car il a des ailes ! le cocher fouailla, rien n’y fit. En conséquence, je me portai sur le devant du véhicule pour reconnaître l’obstacle qui inconvénientait les chevaux.

— Ce fut moi ! l’interrompit M. Baruque.

— Parfait ! répliqua Militaire avec humeur. Ce fut vous. Mais lequel de nous deux cria : Ô ciel ! une femme ! Pas possible !

— C’était donc une femme ? demanda Cascadin, curieux.

— Oui, blanc-bec, en noir et radicalement évanouie. Les chevaux s’étaient refusés à l’écraser, étant doués de cet instinct par les naturalistes.

Nous la relevâmes et nous la portâmes ici, et en retrouvant ses sens, le pauvre jeune homme murmura : Ô ma mère !

— Comment ! le jeune homme ! fit-on de toutes parts. Quel jeune homme ?

— Monsieur Gondrequin, déclara Baruque, vous avez raté votre tire-l’œil ! Retouchez ça !

— C’était lui ! gronda Militaire. Tout le monde avait deviné ! N’est-ce pas, les enfants, que vous l’aviez deviné ? Néanmoins, j’intercale que la femme en noir était un déguisement sous lequel l’étranger cachait son sexe, et ses malheurs. Est-ce clair maintenant ? Personne n’a jamais connu son secret. Si M. Baruque le sait, qu’il le dise : ça me fera plaisir. Après quelques mois de maladie, M. et Madame, séduits par ses bonnes qualités, lui proposèrent la main de mademoiselle, briguée par M. Baruque, ici présent.