Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/269

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sait encore la tête de lettre.

Les premiers mots du beau jeune homme déguisé en Buridan avaient été ceux-ci : « Comment vous nommez-vous ? Moi, je m’appelle Léon Malevoy ; est-ce à moi que vous en voulez ? »

Ils devaient se battre le lendemain du mardi-gras, tous deux, derrière le cimetière Montparnasse, — se battre pour Marguerite.

Aussi en dehors même de la ligne de prose, rédigée par M. Urbain-Auguste Letanneur, le message du notaire remuait un monde dans l’esprit de Roland.

La ligne de prose, cependant, eut son tour et ne produisit pas un moindre effet. Que voulait dire cette invitation de passer justement à cette étude où sa mère l’avait envoyé dix ans auparavant, invitation qui lui était adressée justement par cet homme !

Cet homme le connaissait-il ? était-ce un pur effet du hasard ? Comment avait-on pu découvrir sa demeure et reconnaître son identité ?

Dix ans ! Une retraite si profonde ! un déguisement si sûr ! Le fil brisé allait-il se renouer à l’improviste ?

Et cette lettre signée était-elle une conséquence de la lettre anonyme qui l’appelait « Monsieur le duc » ?

Nous avons prononcé déjà les deux mots caractérisant la situation, telle qu’elle se présentait à l’esprit de Roland. Il y avait là peut-être des promesses ; il y avait là très certainement des menaces.

Roland avait à la fois espérance et crainte : sa crainte d’autrefois, son espérance nouvelle ; car il n’y avait pas longtemps que l’ambition était née en lui, et son ambition portait un gracieux nom de jeune fille.

Pendant plus d’une demi-heure, il resta les yeux fixés sur la lettre, puis il reprit le billet reçu la veille au soir. Il compara les deux papiers, les deux écritures, les deux timbres de la poste.

Rien ne se ressemblait. L’intelligence se trouble et s’émousse en face de certaines énigmes. Roland sentait bien qu’il s’acharnait à un travail impossible, et ce-