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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/289

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ger pour elle, comme s’il avait eu le droit de lui parler.

Et, par le fait, il y avait un mot sur les lèvres de Roland. Il ne le prononça point ; seulement, une muette prière jaillit de son regard.

Quelle était cette prière ? question bien souvent ressassée aux heures de solitaire rêverie, question toujours insoluble.

Mais, maintenant, la question avait sa réponse éloquente et claire. Il n’était plus temps de douter. Le tableau parlait là-bas, caressé par son pâle rayon de soleil.

Le tableau disait à Rose : Tu es aimée, bien aimée ; ton image est là, embellie, adorée. On a fait de toi le bon ange de cette retraite !

Elle remonta les deux marches du pavillon, et certes, ce n’était point pour éclaircir un doute. Son bonheur l’éblouissait. Pour douter, il eût fallu être aveugle.

Mais la curiosité des jeunes filles est insatiable ; cette portion du tableau, cachée par la draperie, l’attirait comme un mystérieux aimant. Elle voulait voir d’abord, tout voir, et puis remettre le voile, car d’autres allaient venir, et elle se sentait le droit de cacher ce secret qui était désormais le sien.

Elle traversa l’atelier d’un pas léger, belle de sa joie profonde, gracieuse comme les bien aimées. En passant devant Roland toujours endormi, elle pressait le médaillon chéri contre son cœur, et son regard était déjà celui d’une fiancée.

Sa main toucha le rideau qui glissa sans bruit sur sa tringle, découvrant d’un seul coup tout le reste de la toile.

Rose y porta des yeux souriants, mais le sourire se glaça aussitôt sur ses lèvres. Elle chancela et tomba brisée, en murmurant :

— Ayez pitié de moi, mon Dieu, c’est elle qu’il aime !