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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/295

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— Non, répliqua Roland sans hésiter.

L’idée lui venait que cette enquête se rapportait à la grande frayeur de toute sa vie : l’affaire du boulevard Montparnasse. Et il mentait de parti-pris. Il mentait, comme il avait fui, au risque de tomber mort dans la rue, le parloir de la maison de Bon-Secours.

— Je suppose que vous êtes M. Cœur, reprit tout à coup le comte, comme s’il eût voulu fixer au passage une idée qu’il allait perdre.

— Je suis, en effet, M. Cœur, repartit le jeune peintre.

— Moi, Monsieur, je suis le comte Chrétien Joulou du Bréhut de Clare, tuteur de Mme la princesse d’Eppstein. En cette qualité, je viens ici pour acheter l’immeuble dont vous occupez la majeure partie, comme locataire. Il dépend de moi de rompre le marché : je le romprai, si vous voulez. Tenez-vous à votre habitation ?

— Je comptais la quitter, répondit Roland. Est-ce tout ?

Cette question fut faite avec une certaine brusquerie.

— Non, répondit le comte sans se formaliser ; je vous prie d’être patient avec moi. J’en ai besoin : j’ai beaucoup souffert et je voudrais faire quelque bien avant de mourir.

Roland le regarda étonné. Il y avait sur les traits frustes et comme effacés de cet homme un vague reflet de grandeur d’âme.

— J’ai fait le mal autrefois, reprit le comte, répétant sans le savoir les paroles dites à Nita, mais mon père était un gentilhomme ; ma mère était une sainte. Veuillez m’écouter avec attention : je vous ai prévenu que j’avais plusieurs choses à vous communiquer. Vous êtes jeune, fort, intelligent, cela se voit. Vous devez être brave. J’espère que vous avez le cœur généreux. Tout-à-l’heure, vous avez pâli en regardant la princesse d’Eppstein, ma pupille, et la princesse d’Eppstein a rougi en vous regardant. La connaissez-vous ?

Roland garda le silence.