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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/294

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tenant ?

— Oui, tout, répliqua la princesse.

— C’est drôle ! j’avais cru voir… Est-ce qu’il y avait une draperie sur ce grand tableau ?

— Certes.

— Tu as raison… elle y était… ma pauvre Nita ; je suis comme au sortir d’un rêve.

Elle la baisa au front pour la seconde fois, et ajouta tout bas, en se forçant à sourire :

— Est-ce qu’il t’a parlé ?

— Non, répondit Nita, qui rougit.

Il y eut un silence. À l’autre bout de la chambre, Roland et M. le comte du Bréhut s’entretenaient à voix basse.

— Monsieur, avait dit le comte en commençant et non sans un visible effort pour garder son calme, j’ai plusieurs choses à vous demander. Je vous prie d’être indulgent vis-à-vis de moi : je m’exprime avec peine, et je souffre beaucoup… n’avez-vous aucun souvenir de moi ?

Roland le regarda en face et répondit avec un parfait accent de vérité :

— Aucun, Monsieur.

Les sourcils du comte se froncèrent.

— Cherchez bien, insista-t-il, et cherchez loin. Je vous parle de dix ans.

Roland regarda encore. Un nuage passa sur son front, un doute dans ses yeux. Cependant, il reprit, d’une voix ferme :

— Je suis sûr, Monsieur, de vous voir pour la première fois.

Les yeux du comte se baissèrent. Il murmura :

— Je donnerais tout ce que j’ai au monde et la moitié de mon sang pour le revoir vivant !

— Vous cherchez quelqu’un qui me ressemble ? demanda le jeune peintre froidement.

— Qui vous ressemblait, rectifia son interlocuteur d’un ton morne.

L’expression de son pâle visage changea et il sembla fouiller sa pensée.

— Étiez-vous à Paris, il y a dix ans ? interrogea-t-il encore.