Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/307

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sans escompte, je ne le changerais pas contre un plus facile à tourner. Vayadioux ! nous avons besoin d’un gaillard et non pas d’un mannequin ! Les choses ne se feront pas toutes seules. Il faut un premier ténor pour chanter le rôle de George Brown, dans la Dame blanche… refrain d’amour et de guerre… des chevaliers — des chevaliers — des chevaliers d’Avenel ! hein ! la roulade !

Il éclata de rire et tendit la main à Roland qui la prit du bout des doigts.

Un peu de sérénité revint sur le maigre visage du bon Jaffret. Comayrol poursuivit :

— Rien ne nous manque, c’est vrai, si nous savons qui nous sommes ; mais la justice est la justice ; elle demande toujours trois certitudes pour une, et je trouve qu’elle a bien raison. Sans ça on ne verrait que des imposteurs dans Paris. Donc il faut que M. le duc apprenne la chanson ci-dessus, en grand, avec les variations… Il se souvient, par exemple, que, dans sa jeunesse,… dans sa toute petite jeunesse, quand ça lui était bien égal d’avoir les lèvres barbouillées de raisiné, il habitait un grand château…

— C’est vrai, dit Roland d’un ton sérieux, je m’en souviens parfaitement : un très grand château.

— Parbleu ! s’écria Comayrol en ricanant, tandis que les yeux du bon Jaffret s’ouvraient tout ronds, on a de la mémoire ou on n’en a pas. Vayadioux ! Monsieur Cœur, vous êtes un cœur ! Combien y avait-il de tourelles à votre très grand château ?

Il vous eût semblé que le jeune peintre faisait effort et comptait dans son lointain souvenir. Pour le coup, Comayrol éclata de rire.

— Trois, quatre ou six, allez, dit-il, cela ne fait rien. Mettez-en huit pour la symétrie. Deux à chaque coin. La plus grosse était la tour du Nord. Elle avait une pleine