Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/324

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— Un fiacre ! ordonna-t-il, et au galop chez Marguerite !

Roland, resté seul, arpentait son atelier d’un pas tranquille. Le soleil allait descendant déjà derrière les hautes et vieilles maisons du quartier ; l’ombre vient vite en décembre. Roland se promena longtemps, fronçant parfois le sourcil, en réponse à une pensée amère, et tantôt souriant à un bien-aimé rêve. Les solitaires comme lui savent délibérer vis-à-vis d’eux-mêmes et tenir avec leur conscience de silencieux conseils.

Quatre heures sonnaient à l’horloge de la Sorbonne, quand il s’arrêta devant le tableau recouvert d’un rideau. Il écarta la draperie, et ces deux charmants visages de jeunes filles que nous décrivions naguère sortirent de la toile aux dernières lueurs du crépuscule.

Il y a nombre d’ermites en la grand’ville ; j’affirmerais volontiers qu’aucune Thébaïde ne renferme une aussi grande quantité de grottes. On peut être un solitaire sans se livrer, sous tout prétexte, à de fades et verbeux monologues. Le cœur de Roland s’élargit dans sa poitrine, ses lèvres s’entr’ouvrirent, ses yeux brillèrent, et une lueur d’ardent espoir éclaira la mâle beauté de ses traits.

Déjà, depuis quelque temps, des bruits mystérieux allaient et venaient dans le jardin ; Roland les entendait et ne s’en inquiétait point. Il savait d’avance que l’atelier Cœur-d’Acier fêtait son chef à la Saint-Nicaise, et il se résignait bonnement à toutes sortes de surprises. Le bronze enrhumé de la Sorbonne vibrait encore dans l’air, quand l’explosion d’une boîte d’artifice, éclatant sous ses fenêtres, lui annonça que les réjouissances annuelles commençaient.

La draperie retomba aussitôt sur les deux jeunes sourires demi-voilés par la nuit, et M. Cœur, se redressant dans la dignité de ses fonctions patriarcales, fit un pas vers la porte, à la rencontre des honneurs qui allaient le submerger.

Il était temps. Une grande lumière incendia le jardin, tandis qu’une acclama-