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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/340

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reur d’être pris pour des greffiers. Je connais un homme superbe et pareil à un dieu de la fable ; sa prestance étonne les populations ; sa chevelure éclate comme la neige : vous diriez au bas mot un druide en habit noir. C’est un notaire. Je connais un homme plus dur que le fer, aiguisé, affilé, capable d’user la pierre du rémouleur, vivant scalpel qui saigne, ampute et taille dans l’intérêt des familles avec tout le sang-froid de Dupuytren ou de Jobert. Ce couteau est également un notaire. Je connais un troisième notaire doux, onctueux et même gluant qui a le parfum d’un sac de bonbons endommagé par l’humidité ; un quatrième notaire, naïf et bon jusqu’à croire à son « collègue ; » un cinquième, au contraire, sceptique, ravagé, veuf de ses illusions, un libre penseur du notariat, doutant de sa cravate et blasphémant la déesse Authenticité. Cela fait cinq bourgeois qui pourraient être aussi bien majors comme mon conservateur de concierge.

Maître Léon Malevoy, sixième notaire, était, de la tête aux pieds, un gentilhomme.

Où trouver le parfait notaires ? À la comédie. Et encore !

Tout auprès de la lettre d’invitation, qui venait d’être décachetée, un portefeuille de larges dimensions, fermé à clef, reposait sur la table, en avant des autres papiers. Maître Malevoy prit ce portefeuille et l’ouvrit à l’aide d’une petite clef qui pendait à la chaîne de sa montre. Sa main lente et en quelque sorte découragée étala devant lui, sur le bureau, un assez grand nombre de pièces que le portefeuille contenait.

Ces pièces se ressemblaient entre elles. Il y avait une demi-douzaine de petits dossiers, dont les chemises étaient faites de simple papier à lettre. Chaque dossier portait un nom avec un numéro ; ils étaient rangés dans l’ordre suivant :

No 1, M. le duc de Clare (mort).

No 2, la mère Françoise d’Assise (morte).

No 3, Mme Marcelin, rentière, 10, rue Sainte-Marguerite (déménagée).