Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/354

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yeux austères que le martyre n’aurait point mouillés. Elle disait souvent : Thérèse était bonne et belle comme les anges.

— Thérèse ! murmura Mlle de Malevoy. Est-ce donc le nom qui manque à cette pauvre tombe ?…

— Deux fois, continua Léon : la première fois, à l’occasion de son mariage, la seconde fois, pour la naissance de son fils, le général duc Raymond de Clare avait renoué correspondance avec sa famille. La première réponse qu’il reçut était signée Guillaume. Elle ne manquait pas de tendresse, mais elle désapprouvait ce que le général royaliste appelait une mésalliance.

La seconde lettre était de lady Rolande Stuart. Sous le style rigide de celle-là, on sentait battre un cœur de mère. Lady Stuart demandait à être la marraine de l’enfant.

L’enfant fut nommé Roland, du nom de lady Stuart.

Ce soir dont je te parle, ma sœur, quelques minutes avant l’heure du souper, un domestique entra dans la chambre du général, disant qu’une vieille paysanne et un paysan, tous deux étrangers à la contrée, demandaient l’hospitalité. C’était chose tellement simple que Raymond s’étonna d’être dérangé pour si peu : sa maison était ouverte à tout le monde.

Mais le domestique ajouta :

— Le paysan et la paysanne ont exigé que leurs noms fussent dits à M. le duc. Le paysan s’appelle Guillaume, et la paysanne Rolande.

Raymond oublia sa blessure et se leva tout droit.

L’instant d’après, les deux frères étaient dans les bras l’un de l’autre, et le petit Roland, étonné, jouait sur les genoux d’une grande femme à cheveux gris qui lui disait :

— Aime-moi bien, enfant chéri, je suis ta tante et ta marraine.

Guillaume de Clare, fugitif et cherchant à gagner le Piémont par la Savoie, avait trouvé, cette nuit, les routes barrées de tous côtés. Il était blessé, lui aussi. Ce n’était pas au hasard qu’il avait frappé à