Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/37

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gate.

— Je te tiens ! s’écria-t-il avec un rauquement de triomphe.

Et pesant des deux mains avec une effrayante brutalité, il terrassa la lionne, qui l’entraîna dans sa chute.

Elle resta un instant immobile, les yeux troublés, les cheveux en désordre, le sein haletant.

— Est-elle bête ! fit Joulou doucement et du ton dont on implore un pardon.

Puis, il ajouta d’un accent sévère, au vu de quelque symptôme à lui connu :

— Pas d’attaque de nerfs ! ou on se fâche tout rouge, ma fille !

Une larme vint dans les yeux de Marguerite.

— Ne pleure pas, dit-il d’une voix tout-à-coup changée. Frappe, si tu veux, mais ne pleure pas !… Eh bien ! si, là ! je suis jaloux ! si tu frappais quelqu’un… si quelqu’un te battait… si tu disais à quelqu’un comme à moi : brute ! brute !… et du même ton… Je le tuerais !

— Est-ce vrai, cela, Chrétien ?

— C’est vrai !

Ils restaient là comme deux bêtes fauves : l’homme à quatre pattes, la femme accroupie.

Marguerite se releva la première et d’un seul bond. Elle rejeta en arrière son opulente chevelure qui ruissela sur son dos demi-nu comme un manteau.

— Est-ce tout ? gronda le Buridan dont les gros yeux flambaient enfin.

Marguerite sembla hésiter, puis son front devint sombre.

— Va-t-en, ordonna-t-elle durement. Tu m’as fait mal ! tu m’as fait honte ! Si j’étais ce que je dois être, je ne voudrais pas de toi pour mon laquais !

À son tour, Joulou se releva.

— Est-elle bête ! murmura-t-il d’un accent plaintif en baissant sa tête crépue.

Marguerite tordait à deux mains son éblouissante chevelure.

— Faut-il aller chercher les deux de Beaune ? demanda timidement Joulou.

La sonnette tinta. Une voix jeune et sonore appela :

— Marguerite ! Marguerite !

— Va ! tâche ! fit Joulou avec un rire triomphant. Nous n’y sommes pas.

Mais Marguerite l’interrompit, disant :

— Ouvre, brute, j’ai besoin de voir le visage d’un homme.