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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/38

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IV

Brute !


Là-bas, entre Josselin et Ploërmel, dans le département du Morbihan, les parents de Chrétien Joulou s’appelaient M. le comte et Mme la comtesse Joulou Plesguen du Bréhut. Ils avaient le premier banc fermé à la paroisse, à gauche du lutrin. Ils étaient nobles autant que le roi, mais moins riches que bien des bergères. C’étaient des gentilshommes de mille écus de rentes ; on en voit de plus pauvres encore, en ces pays heureux, et ils roulaient carrosse — non suspendu, par les bas-chemins de leurs anciens fiefs.

Croyez-vous rire ? La maison avait six domestiques et trois chevaux dont deux borgnes. Le troisième, à la vérité, était aveugle. On donnait des bals et des retours de noces au château du Bréhut. Les deux demoiselles ne se mariaient pas vite, mais c’est qu’on faisait beaucoup pour Chrétien, qui était l’espoir de la maison. Les choses vont de mal en pis. Avec mille écus de rentes, il y a cinquante ans, on faisait claquer son fouet à volonté, entre Ploërmel et Josselin, où est ce merveilleux palais des Rohan, princes de Léon, qui dépensaient à Paris, chaque année, cinquante mille pistoles. Mille écus ! vous n’avez aucune idée de ce que vaut un écu sur la lande !

Seulement, M. le comte et Mme la comtesse faisaient douze cents francs de pen-