Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/396

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— Si j’ai aimé quelqu’un d’amour, en ma vie, ce n’est pas vous, c’est l’autre ; ce beau, cet admirable jeune homme qui fut assassiné sous mes fenêtres. Je veux le sauver, lui aussi.

— Et c’est facile, murmura Léon, ce mariage avec la princesse d’Eppstein arrange toutes choses.

Les lèvres de la comtesse se relevèrent en un méprisant sourire.

— On a voulu vous donner un rôle là-dedans, n’est-ce pas ? interrogea-t-elle.

— Oui, répondit Léon.

— Et vous avez accepté ce rôle ?

— Presque.

Marguerite appuya ses deux coudes sur les bras du fauteuil et se pencha en avant :

— Savez-vous que votre sœur est bien belle ! dit-elle.

Léon rougit et baissa les yeux.

— Cela vous déplaît, reprit Marguerite, de m’entendre parler de votre sœur. Si c’était, cependant, pour faire d’elle une duchesse de Clare ?…

— N’espérez pas trop tôt, s’interrompit-elle, en voyant que Léon tressaillait. Elle est fière, audacieuse, intelligente… comme vous l’étiez autrefois, Léon de Malevoy. Mais il y a des obstacles. Et je puis vous donner seulement en tout ceci l’aide qui est compatible avec mes propres intérêts.

— Vous devez dire la vérité ! pensa tout haut Léon. Je vous crois à un point que je ne saurais exprimer !

— Parce que, répondit Marguerite d’un accent qui raillait froidement, sans avoir encore rien dit, j’ai remué en vous de vieux espoirs. Vous devinez qu’il va être question de la princesse Nita de Clare.

— C’est vrai, avoua Léon.

L’œil de Marguerite eut un éclair.

— La seule chose grande et fière, hardie et forte qu’il y ait eue en vous, prononça-t-elle en se redressant tout à coup, c’est cet amour. Cet amour me plaisait ; j’y reconnaissais mon Buridan fou, audacieux, gé-