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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/408

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mémoire, il ne se souvint pas d’en avoir jamais écrit d’autres.

Elles étaient jaunies par le temps et fatiguées comme si on les eût bien souvent relues.

Léon appuya ses deux mains sur sa poitrine qu’il sentait défaillir…

Pendant cela, Mme la comtesse du Bréhut de Clare franchissait d’un saut juvénile et joyeux le marchepied de sa calèche. Cette entrevue semblait l’avoir encore rajeunie et allégée. Littéralement, elle ne pesait pas le poids d’une plume. Elle dit au valet de pied qui venait prendre ses ordres :

— Chez ce grand coiffeur de la rue de Richelieu !

Et la calèche roula, balançant doucement la gracieuse créature, demi-couchée dans son coin moelleux. La lumière du gaz et la nuit passaient tour à tour sur les exquises délicatesses de son sourire : car elle souriait, — quoiqu’elle fût seule maintenant et qu’aucun regard n’épiât le langage de sa physionomie.

Elle souriait.

Elle commanda, toujours souriant, chez ce grand coiffeur de la rue de Richelieu, une perruque blonde à longs cheveux, d’une nuance précise et particulière, dont elle fournit l’échantillon : une boucle légère et soyeuse qu’elle apportait dans la plus jolie bonbonnière d’émail où jamais comtesse ait mis des pastilles.

Ici, chez le grand coiffeur, elle n’était pas comtesse, elle était la première venue, car au lieu de donner son adresse à l’hôtel de Clare, elle dit :

— Je viendrai chercher moi-même cette coiffure. Il me la faut pour lundi : vous m’entendez, il me la faut !

Et, toujours souriant, elle remonta dans sa calèche, disant au valet de pied :

— Chez Mme Bertrand.

Mme Bertrand était encore plus grande couturière que ce grand coiffeur de la rue de Richelieu n’était grand coiffeur. On veillait chez elle dix mois de l’année. Elle habillait Mme la comtesse et la princesse d’Eppstein. Mme la comtesse avait commandé son costume en temps utile, son costume de bal ; elle venait le voir : quoi de plus naturel ? Un costume du genre ébahissant, et qui semblait deviner les