Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/413

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

briquet et reprit :

— Je n’aime pas allumer aux lanternes, qui sentent l’huile. Vous aviez donc trois clercs, dans votre bon temps ?

— Huit ! et qui sont tous calés maintenant, faut voir ! Êtes-vous honnête homme, vous ?

Ceci fut dit d’un ton goguenard.

Tourot, qui avait allumé, tourna vers lui sa candide figure.

— Prenez du feu, et vite, mon frère, dit-il, je suis pressé. Les notaires, ça fournit beaucoup dans l’état… mais méfiance !

Et dès que l’amadou fut sur la pipe du paletot noir, Tourot quitta sa borne, leva son débris de chapeau poliment et dit :

— À vous revoir, l’homme. Oui, je suis honnête.

Deban haussa les épaules.

Tourot montait vers la Sorbonne en grommelant :

Mme Théodore le disait bien : c’est ça qui perd la société : les anciens marquis, les anciens notaires, les anciens farauds, quoi ! Tous malpropres ! Et ficelles !

Deban, lui, se disait :

— Si j’avais la petite pièce blanche, j’irais à la drogue, chez Marmelat, rue de l’Homme-Armé, et je ferais sauter la Banque… Si je faisais sauter la Banque, chez Marmelat, j’achèterais une défroque au Temple et je garderais six francs pour aller chez Mme Cocarde, à la montagne Sainte-Geneviève où je ferais ressauter la Banque ! Alors je m’habillerais en grand, avec chemise et bottes, et je garderais cinquante francs pour aller au no 7, rue Dauphine. J’aurais mille francs. J’irais à Hombourg. Ils diraient tous : Voilà Deban, le fils de l’Authentique ! Bonjour, Deban ! Comment va, Deban ? Pas mal, et vous ? Cent francs sur la rouge. Gagné ! Double ! Gagné ! Il a toujours eu de la chance, ce Deban. Double ! Gagné encore ! Payes-tu à déjeuner, Deban ? Double ! Gagné ! Voilà quatre fois qu’elle passe, la rouge ; change de côté, Deban ! Non, c’est une veine ! Double ! Gagné ! Change donc, étourneau ! Double ! Ah ! mais, c’est mon idée. Gagné ! Il a de la corde de pendu ! Double ! double ! gagné, gagné ! La rouge passe, passe, passe ! J’aime la rouge, moi, quoi !