Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/414

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est mon idée ! Mon tas grossit, dites donc ? Voilà le banquier qui le caresse avec son râteau. Combien à la masse, Monsieur Deban ? Savez-vous l’arithmétique, Monsieur Totivain ? Cent francs de mise, dix passes à la rouge, comptez : cinquante et un mille quatre cents francs ! Ils se consultent ; moi, je suis calme ; le jeu est fait. Allez. Rouge passe ! c’est cent deux mille huit cents francs à la masse. Votre serviteur ! Je fais charlemagne ! la banque renifle. Comme vous voudrez ! Qui est-ce qui me vend une escarcelle ? Je la paye dix louis si elle vaut dix francs. Au plaisir de vous revoir ; on recommencera demain !

Il ôta un vieux gibus qu’il avait pour étancher avec sa manche la sueur de son front ravagé.

— Ça irait tout seul, mais c’est la petite pièce blanche qui manque, prononça-t-il avec découragement.

— Eh ! là-bas ! s’interrompit-il en voyant un monsieur très proprement couvert qui soulevait le marteau de la maison Jaffret. Moynier, mon expéditionnaire, prêtez-moi dix sous, je vous rendrai mille francs.

Moynier poussa la porte et se sauva comme s’il eût vu le diable.

Deux autres personnes montaient la rue.

— Eh ! là-bas ! mes petits clercs ! Rebeuf et Nivert ! cinq sous chacun pour faire la pièce blanche !

— Passez votre chemin, l’ami, on ne vous connaît pas.

Une voiture tournait l’angle de la rue des Mathurins. Quand elle passa, l’ancien notaire reconnut à la portière le visage fleuri du roi Comayrol.

— Ils viennent donc tous, ce soir ! grommela-t-il. C’est qu’il y a quelque chose !

Et il s’en allait, de guerre lasse, découragé, quand une pièce de cent sous roula sur le pavé.

— Vayadioux ! dit Comayrol, va boire à notre santé ; vieil idiot ! Nous allons gagner trois millions, ce soir, avec ce que tu as laissé là-bas au fond de ton verre !

Peut-être que le malheureux homme entendit. En tout cas il se mit à genoux dans la boue pour ramasser l’écu de cent sous ; après quoi il courut, non pas boire : l’au-