Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/435

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sées.

Cela venait de la chambre où le bon Jaffret avait mis ses chers oiseaux tous ensemble, pour cette nuit. L’entrée de cette chambre était sur le carré.

Bientôt, les oiseaux du bon Jaffret se prirent à voleter et à crier, pris d’une mystérieuse panique. Le moindre vagissement d’enfant arrive aux oreilles d’une tendre mère. Jaffret, endormi ou éveillé, entendait toujours ses oiseaux, et, dans le cours de sa carrière, il avait sauvé nombre de canaris, menacés d’apoplexie foudroyante. Il entendit, mais ces bruits se rapportaient si bien à son rêve ! Il continua de dormir.

Cependant, la porte de la chambre aux oiseaux s’ouvrit doucement, et une tête de hibou se montra sur le seuil à hauteur d’homme. Le hibou promena son regard morne tout autour du salon, et dit :

— Il ronfle au coin de son feu, la racaille.

C’était fort pour un hibou.

Le bruit des plumes sèches redoubla ; en même temps, une nuée de petits oiseaux entra dans le salon par-dessus la tête du hibou et voleta autour des lambris. Jaffret, du fond de son sommeil, avait une conscience assez nette de cette invasion. Il sentit même trois ou quatre pierrots insolents qui se perchaient sur son bonnet de coton. Mais cela se confondait avec son rêve.

Le hibou franchit le seuil à son tour. Vous avez sans doute entendu parler de la fameuse file indienne, manœuvre élémentaire des Peaux-Rouges, quand ils marchent dans les sentiers de la guerre. Ce fut ainsi pour l’armée des fantastiques volatiles qui entra dans le salon de Jaffret. Après le hibou venait un vautour, après le vautour, un coq de gigantesque taille qui secouait orgueilleusement sa crête sanglante, après le coq un dindon qui tenait dans ses bras un tendre dindonneau.

Puis des corbeaux, des pies, des poules, des pigeons à la gorge étoffée, des perroquets, des cigognes, des oies, — une autruche, un paon, deux canards, une chauve-souris et une hirondelle, symbole de l’exilé regrettant le pays qui l’a vu naître.

Peut-être y en avait-il d’autres encore.

Toutes ces bêtes avaient uniformément un plumage fané et même rongé aux mites en de larges places. Elles venaient d’un pays où les oiseaux sont plus grands que chez nous, mais moins bien tenus. Le vautour, surtout, terrible animal, avait son cuir à nu en maintes places, et son