Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/461

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donnance. Qu’elle soit suivie de point en point. Je reviendrai demain à midi.

— Si tard ! s’écria la comtesse. La nuit entière sans vos conseils !

Puis, tout son visage brillant d’espoir :

— Mais, poursuivit-elle, vous ne voyez donc pas notre cher malade du même œil que vos confrères ?

— Si fait, Madame, prononça tout bas M. Lenoir : de deux choses l’une, ou ceci arrêtera le mal — il pointait l’ordonnance — ou les choses iront très vite, désormais. C’est pair ou non.

Un large soupir souleva le sein de la comtesse. Le docteur prit ses gants et son chapeau pour se retirer.

— Ne vous en allez pas encore, docteur, dit le comte d’une voix si faible qu’on avait peine à l’entendre.

Marguerite précéda le docteur, qui se rapprocha du lit aussitôt.

— Que voulez-vous, Chrétien ? demanda Marguerite.

— Je veux parler en particulier à M. Lenoir, répondit le comte.

Elle se pencha sur lui. Pendant qu’elle était ainsi, la lumière oblique des lampes caressait les belles lignes de son profil perdu. Le docteur la regardait et songeait.

Il n’entendit pas ce qu’elle murmura à l’oreille du malade ; mais celui-ci prononça distinctement :

— Je veux te voir avec ce costume. Je ne t’ai jamais tant aimée !

Vous eussiez dit que le docteur ne s’attendait pas à entendre ici des paroles d’amour. Son visage exprima une profonde surprise, où il y avait de la pitié.

Marguerite parla encore, puis le malade murmura :

— Ne crains rien de moi ; je mourrai comme j’ai vécu : ton esclave !…

— Et mon maître, à ce qu’il paraît ? fit la comtesse qui se releva en riant. Docteur, se reprit-elle, je lui proposais de passer la nuit près de lui. Il ne veut pas. Je vous laisse ensemble.

Elle envoya un baiser à son mari et ajouta en passant auprès de M. Lenoir :

— Sa tête, docteur, sa pauvre tête !