Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/463

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— Les Bretons aiment leur clocher…

— Moi, j’aime le souvenir de mon père et de ma mère, interrompit le comte avec force.

Il y eut un silence. Le malade reprit d’une voix plus faible :

— Et j’ai encore les deux vieilles sœurs, qui sont restées chez nous. Mon père était un gentilhomme, Monsieur Lenoir ; ma mère était une sainte. Moi, j’ai fait le mal, j’avais oublié tous ceux-là qui m’aimaient tant… Oui, oui, j’ai fait le mal !

Il referma les yeux.

Le bruit des derniers préparatifs de la fête montait, confus et sourd. On entendait parfois sortir de ces vagues bourdonnements un coup de marteau, la note d’un instrument qu’on accorde ou un soudain éclat de rire.

— Peut-on guérir un homme, demanda brusquement le comte, un homme bien malade… aussi malade que moi… et qui ne dit pas tout à son médecin ?

— Oui, répliqua M. Lenoir, quand le médecin devine les choses que le malade ne lui dit pas.

Un regard cauteleux glissa entre les paupières demi-closes de Chrétien Joulou.

— Est-ce que je suis poitrinaire ? interrogea-t-il encore.

— En aucune façon, Monsieur le comte. Vous avez une névrose affectant spécialement le péricarde et les bronches. Votre toux est purement spasmodique.

Le malade secoua la tête et murmura :

— Je ne comprends pas ces mots-là. Est-ce que vous avez deviné ce que je ne vous ai pas dit, vous, Monsieur Lenoir ?

— Assurément, repartit le docteur.

Joulou se leva sur son séant avec la vivacité d’un homme en santé et ouvrit ses yeux tout grands :

— Ah ! fit-il ; assurément ! Vous avez dit : Assurément !

Le docteur continua :

— Monsieur le comte, vous êtes empoisonné !

La face de Joulou devint livide, pendant qu’il balbutiait par deux fois :

— Qui vous a dit cela ? qui vous a dit