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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/469

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cue, pensa tout haut le docteur.

— Vous êtes son ennemi, Monsieur Lenoir, insista Joulou, et vous avez le droit de la juger sévèrement ; mais je vous jure qu’elle est bien changée !

— Tout à l’heure vous disiez, objecta le docteur, et votre voix avait un accent singulier : elle va apporter la potion, — elle-même.

— Oui, certes, mais ma tête est si faible ! Et vous-même aussi, n’avez-vous pas répondu à ces craintes puériles ? Je me croyais empoisonné. Je ne le suis pas !

— Vous l’êtes !

— Pas comme je l’entendais.

— Vous l’êtes ! répéta le docteur durement.

— Eh bien ! s’écria le malade, le rouge aux joues et l’œil brillant, je la défendrai, Monsieur Lenoir, je la défendrai, fût-ce contre vous ! Elle m’a rendu sa tendresse, elle m’a dit ses secrets, elle a confiance en moi…

— Depuis trois jours !

— Qu’importe le temps ?

— Le temps importe, Monsieur le comte, l’interrompit Lenoir en lui fermant la bouche d’un geste plein d’autorité. Le temps importe, et le mien ne m’appartient pas. Vous êtes empoisonné. J’ai vainement essayé d’adoucir l’amertume du contre-poison qu’il vous faut boire. Marguerite Sadoulas veut être duchesse de Clare ; elle le veut aujourd’hui plus qu’hier. Marguerite Sadoulas me demandait tout à l’heure si vous vivriez encore demain à midi. Elle est pressée. Et en quittant cette chambre, ceci est pour appuyer les preuves de confiance qu’elle a pu récemment vous prodiguer, elle avait une telle frayeur de ce que vous pourriez me dire qu’elle m’a glissé à l’oreille et comme on met un écriteau au-devant des rues défoncées : N’écoutez pas ce malheureux qui va mourir fou !…