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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/49

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tous les opéras, envoya ses notes hurlantes à travers la fenêtre fermée :

Allons !
Chantons !
Trinquons !
Buvons ! etc.

Joulou aimait ce genre de vers qui n’a aucun des défauts de l’alexandrin fatigant. Il aimait aussi la musique, quand on criait faux et fort. Il murmura avec un soupir d’envie :

— On noce à la Tour de Nesle ! C’est fichant de dîner tout seul !

Et machinalement, il ouvrit la croisée de la cuisine, donnant sur le jardin d’une guinguette, voisine de la Chaumière et portant le titre de la pièce en vogue pour enseigne.

Allons !
Chantons !
Trinquons !
Buvons !

Toutes ces rimes ingénieuses entrèrent tumultueusement dans la cuisine avec d’autres qui n’étaient pas moins expressives ; flacons, lurons, bouchons, tendrons, bourgeons et chansons. Joulou en avait l’eau à la bouche. Il s’accouda sur la barre d’appui de la fenêtre et plongea un regard perçant à l’intérieur d’un « salon, » simple, austère et même crasseux où une société faisait bombance. Il n’y avait que des hommes et ils étaient tous en costume de bal masqué.

— Tiens, tiens ! pensa Joulou, c’est l’étude Deban qui folichonne !… Ohé ! l’étude Deban ! ohé !

— Ohé ! fut-il répondu. Joulou ! la brute ! Nous grignotons nos sols parisis, Messire. Il y a Philippe, Gauthier, Landri, Orsini, le roi, le ministre, mais il manque Buridan et les dames. Jette-nous Marguerite et saute après elle, ribaud.

De l’autre côté de la maison, les mains de Marguerite, plus blanches que les touches d’ivoire, couraient sur le clavier. Le piano chantait comme une âme. Roland écoutait en extase ces larmes perlées que pleure Desdémone et qui sont la romance du Saule