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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/497

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En voyant cette robe de dessous, le vicomte Annibal dit :

— À la bonne heure ! la morale est sauvée !

Le regard que lui jeta Marguerite n’était pas exempt d’une certaine nuance de raillerie.

— À l’ouvrage ! fit-elle. Et vite ! nous ne sommes pas ici pour causer.

Ma foi, le vicomte Annibal pouvait avoir encore d’autres mérites, mais il est certain que, comme femme de chambre, il valait son prix. Tous les vicomtes, en définitive, ne sauraient pas coiffer une dame aussi nettement que le perruquier du coin. Il faut avoir étudié. Le vicomte Annibal prit d’une main savante cette fameuse perruque que Marguerite avait commandée chez le grand coiffeur de la rue Richelieu, le soir de sa première entrevue avec Léon de Malevoy ; il l’examina en connaisseur et la planta d’un temps sur la noire chevelure de la comtesse. La perruque était blonde.

— On dirait les cheveux de cette chère petite princesse ! murmura-t-il. Savez-vous que, dès la pastourelle, l’intimité était complète ? Ils s’entre appelaient mon cousin et ma cousine à bouche-que-veux-tu ?

— Bah !… fit Marguerite. Si tôt !

Elle ajouta :

— Puisque c’est la même nuance, coiffez-moi comme Nita.

Sur l’honneur, Annibal y avait la main. Sait-on ce qu’ils ont fait là-bas, avant d’arriver vicomtes à Paris ?

Il coiffait bien. Il coiffait très bien.

Marguerite se regarda dans la glace et lui pinça la joue maternellement.

Elle était blonde, et plus jolie. Blonde à ravir.

— Au teint, maintenant, Lisette, dit-elle. Un teint de blonde ! Le teint de Nita !

Annibal frisa bien un peu sa moustache d’ébène, à ce nom de Lisette, mais il prit sur la toilette la boîte à fard, qui avait presque autant de compartiments qu’une boîte à pastels.

Nous savons de quelle passion il aimait la peinture. En deux minutes, avec son pinceau d’ouate il eut brossé sa blonde, délicate comme une rose de Bengale.