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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/498

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Fi de ceux qui ne savent pas rendre justice au talent ! La comtesse ne lui épargna point les éloges.

— Au costume, maintenant, dit-elle. Et attention ! Regardez-moi bien tout cela !

Annibal obéit. Ses yeux errèrent parmi tous ce frais fouillis de couleurs tendres et suaves. Il ne reconnut rien d’abord.

— N’avez-vous point vu quelque chose de pareil cette nuit ? demanda Marguerite à voix basse.

— Cette nuit ! répéta Annibal qui devint rêveur.

Il commença l’œuvre de la toilette sans rien ajouter. C’est à peine si la comtesse eut besoin de le diriger dans son travail. L’opération était à plus de moitié lorsqu’il murmura :

— Madame, ceci est une dangereuse confidence !

— Ah ! ah ! fit Marguerite, vous avez compris, à la fin !

— J’ai compris depuis longtemps, Madame.

— Et vous ne disiez rien ?

— Je réfléchissais, prononça lentement Annibal. Cela ne mérite-t-il pas réflexion ?

Marguerite se retourna, et leurs yeux se choquèrent.

— Ah ! fit-elle, vous réfléchissiez sans ma permission ! À quoi ?

— Il n’y a qu’un nom, répliqua le vicomte, pour désigner l’homme à qui l’on se confie si profondément… et quand on n’épouse pas cet homme, on le tue.

La comtesse haussa les épaules. Il ne manquait plus à son costume que le manteau de gaze. Sa taille et sa tournure étaient déjà exactement celles de la princesse d’Eppstein.

— Mon pauvre Annibal, dit-elle, vous ne me croiriez pas si je vous disais : je vous aime, et vous auriez raison ; je ne vous aime pas. Je n’ai jamais aimé personne, je n’aime personne, je n’aimerai personne… Plus haut, ces nœuds d’azur, je vous prie ; Nita les a presque sur l’épaule… Qui vous a dit que vous ne seriez pas mon mari ?

— Vous avez inventé encore un duc de Clare cette nuit… Un Italien comme moi : ce prince Policeni.

— J’en inventerai d’autres… disposez