voir d’une pupille bien apprise ?
— Vous allez affronter votre mari ! s’écria le vicomte effrayé.
— Qu’ai-je à craindre ? demanda Marguerite. Remarquez bien cela : jusqu’au dernier moment, je ne cours aucun danger, même au cas où je serais découverte. Ne sommes-nous pas au bal masqué ? ces espiègleries, ces imitations de costumes, ces surprises plus ou moins réussies ne sont-elles pas un des meilleurs plaisirs du bal masqué ?
— Certes, fit Annibal, mais au dernier moment ?
La voix de Marguerite s’altéra.
— Je me charge du dernier moment ! prononça-t-elle d’un accent sombre et résolu. Avez-vous porté les pistolets chez la princesse ?
— J’ai porté les pistolets.
— Il n’y avait personne au petit hôtel ?
— Personne… pas un seul domestique !
— Et vous avez placé les armes ?…
— À couvert, sur le guéridon… mais ne puis-je savoir ?…
— Rien ! l’interrompit froidement Marguerite. Vous diriez que je suis folle ! Quand tout sera fait, vous comprendrez… Et vous admirerez, je vous en donne ma parole ! Nous avons fini ici. Sortons.
Annibal se dirigeait vers la porte du boudoir. Marguerite l’arrêta.
— Pas par là, dit-elle. Par là, c’est le volcan qui est entré, c’est le volcan qui doit sortir par là ; le nuage d’été a une autre issue.
Elle rentra dans sa chambre à coucher, poursuivant d’un ton enjoué :
— Il paraît qu’on s’aimait ici autrefois. Ces bons vieux ducs de Clare et leurs duchesses étaient fort bien ensemble. Dans mon alcôve, il y a une issue sentimentale qui mène au corridor conduisant aux appartements de l’autre aile. Cela servait au temps du vieux Roland de Clare, qui venait voir ainsi discrètement dame Raymonde-Dorothée de Chevreuse-Lorraine, son épouse… Passez !
Ils étaient dans le corridor. Marguerite ferma la porte à double tour, et en présenta la clef à Annibal.
— Pourquoi faire ? demanda ce dernier.
Marguerite lui serra la main fortement.
— Annibal, dit-elle d’un accent étrange,