Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/500

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Un peu de rouge vint aux joues féminines du vicomte.

Il y avait en lui de la colère, mais aussi de la joie.

À chacun, cette femme savait parler la langue précise de sa conscience.

Le vicomte croyait autant qu’un homme comme lui peut croire à une femme comme Marguerite.

Elle s’éloigna de lui et fit bouffer d’un mouvement gracieux les plis argentés de la gaze qui l’enveloppait comme une brume toute remplie de pâles et mystérieuses étincelles.

— Vous êtes plus jeune qu’elle ! murmura Annibal en un élan de sincère admiration.

— Et plus belle ! dit orgueilleusement Marguerite.

— Et plus belle ! répéta Annibal. C’est vrai ! c’est miraculeusement vrai !

Marguerite mit son masque.

— Corbac ! s’écria le vicomte en frappant ses mains l’une contre l’autre. Il y a sorcellerie ! C’est elle-même ! des pieds à la tête !

— Mais la voix… s’interrompit-il.

Une voix douce et grave, mais musicale comme un chant, tomba de ces lèvres que le masque cachait désormais. Elle dit :

— Mon cousin, mon pauvre bon père vous a cherché bien longtemps…

Annibal tressaillit et regarda tout autour de lui.

— Est-ce vous qui avez parlé, Madame ? demanda-t-il confondu.

— Oui répliqua Marguerite, avec un rire victorieux. Oh ! j’ai étudié mon rôle à fond !

— Mais, fit Annibal, ce sont les propres paroles qu’elle disait à M. Cœur, au moment où je passais derrière eux, pendant le quadrille.

— Ses propres paroles, répéta Marguerite. Je n’y ai rien changé.

— Vous n’étiez pas là ! Vous étiez avec le notaire !

— Je suis partout, — quand je veux.

Elle jeta un dernier regard à la glace.

— Alors, dit-elle, vous êtes content de moi, Monsieur le duc ? Je vais subir tout à l’heure une épreuve bien autrement décisive. Je vais aller chercher des nouvelles de mon excellent tuteur… N’est-ce pas le de-