Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/509

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Une minute avant la visite de Nita au pavillon Bertaud, Roland eût fui au bout du monde pour ne point voir surgir aux yeux de tous le fantôme de son passé. Mais il est certain que ces vieilles répugnances, ces terreurs enracinées par l’habitude, exagérées par la timidité native d’un caractère, s’évanouissent au premier souffle de la passion qui veut s’affirmer.

Le soir de ce même jour, Roland était prêt à combattre.

Sa pensée supprimait l’espace qui séparait le lointain prologue du drame de sa vie qui allait commencer.

Il sentait cela. Il voulait vaincre pour celle qu’il aimait. De sa propre main, il eût désormais déchiré le voile, ramené sur son visage avec tant de constance.

Dès le second jour de son existence nouvelle, il chercha et trouva l’adresse du docteur Abel Lenoir dont il fit son confesseur.

Le docteur Lenoir était de ces belles âmes qu’oblige et inféode la mémoire de leur propre bienfait. Il se souvint de la pauvre malade de la rue Sainte-Marguerite qui l’avait nommé, à la dernière heure, son exécuteur testamentaire. Par le docteur Lenoir, Roland eut le secret tout entier de Thérèse, duchesse de Clare, sa mère.

Par le conseil du docteur, il vit des hommes de loi et se fit reconnaître purement et simplement auprès des anciens élèves de l’atelier Delacroix, pour ce beau jeune rapin qu’on appelait jadis Roland tout court.

Roland ne garda qu’un secret vis-à-vis du docteur : il lui cacha la mission confidentielle qu’il avait donnée à M. Baruque et à Gondrequin-Militaire sur les indications de cet immoral Similor.

Pour tout le reste, il suivit exactement les indications de M. Lenoir, évitant tout rapport avec Mme la comtesse du Bréhut qui le cherchait, et avec Léon de Malevoy qui avait inséré à la quatrième page des journaux un avis à son adresse.

Le docteur connaissait et aimait Léon de Malevoy. Il avait pour Rose un respect enthousiaste.

La veille du bal de l’hôtel de Clare seulement, et sans qu’il eût rien fait pour ce-