Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/517

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— Un Buridan ! s’écria-t-il avec un sourire si blanc que cela semblait surnaturel. Voilà mon affaire ! Princesse, depuis que j’existe, je n’ai jamais vu un costume aussi ravissant que le vôtre. Ce n’est qu’un cri dans le bal. Vous êtes par délices ! Monsieur Cœur, désolé de vous déranger ! Vous ne me garderez pas rancune ? Voici ce qui m’amène : nous autres Napolitains, nous tenons à notre réputation d’obligeance : on m’a chargé de vous remettre ce portefeuille.

— Ce portefeuille ! répéta Roland en prenant l’objet qu’on lui tendait.

— Bien entendu, reprit le vicomte Annibal, dont le sourire jaunit quelque peu, que je ne me suis pas permis de voir ce qu’il y a dedans. Incapables, nous autres Napolitains ! cela vous est envoyé par deux braves garçons qu’on n’a pas laissé entrer, pour cause, et qui demandent instamment à vous voir : M. Gondrequin et M. Baruque ; ce sont bien les noms. Ils sont ivres comme deux anges… Madame la princesse, j’ai mission de vous dire que M. le comte dort et qu’il ne faudra point l’aller voir. Quel médecin que cet homœopathe !… J’ai bien l’honneur de vous baiser les mains.

Il pirouetta et s’en alla.

Roland ouvrit le portefeuille qui contenait les trois pièces que sa mère voulait acheter au prix de vingt mille francs : l’acte de naissance, l’acte de décès, l’acte de mariage du duc Raymond de Clare, plus son acte de naissance à lui Roland et l’acte de décès de sa mère.

— Il faut que je voie ces hommes, dit-il à la princesse qui avait pu lire comme lui l’intitulé de ces diverses pièces. Je vous retrouverai tout à l’heure.

— Allez ! dit-elle. Vous voilà duc, mon cousin, Je disais autrefois à mon pauvre père que jamais je ne consentirais à rien recevoir d’un homme, fût-il un roi. Mais à vous, Roland, il me plaît de tout vous devoir !