Aller au contenu

Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/519

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses nobles clients.

Quelques-uns disaient, et c’est une chose singulière de penser combien d’actions disparates peuvent se croiser dans ces illustres foules, où nous voyons souvent tant de drames intimes coudoyer tant d’affaires de finance ou d’État ; quelques-uns disaient qu’il se passait ici, au son des violons de Tolbecque, une grave et mystérieuse aventure. Devinez quoi. Je vous le donne en mille… Une instruction criminelle !

On n’y croyait pas, vous pensez bien, mais, après tout, était-ce donc impossible ?

Certes, il ne s’agissait point d’une instruction criminelle authentique et timbrée sur chaque page, avec témoins levant leur main droite et disant je le jure, avant de déclarer. Ce n’était pas ici le lieu ; mais, en dehors de la forme officielle, authentiquée par la présence du greffier, ce notaire de la justice criminelle, n’y a-t-il rien ? Chacun sait bien que si. Les convictions se forment comme elles peuvent, et il est toujours temps de cartonner dans la forme les feuilles volantes de l’investigation personnelle.

Un juge d’instruction était là, dans les salons, voilà le fait certain. Vingt personnes l’avaient reconnu.

En acceptant sa fonction honorable et utile, ce juge d’instruction cependant n’avait point fait serment de refuser toutes les invitations de bal. Il était marié. Sa femme, une très piquante brunette qui n’allait pas dire au greffe tous ses mignons secrets, valsait comme une perdue. Le juge d’instruction ne pouvait-il être venu pour le seul plaisir de Madame ?

Certes, certes. En cas de fantaisie, Madame l’eût mené bien plus loin que cela. Ces terribles hommes en robes noires sont sujets à cabrioler comme Auriol, quand Madame leur chatouille le creux de la main. Mais M. le juge d’instruction avait causé une heure durant avec l’illustre avocat.

Ils se connaissaient fort intimement ;