Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/526

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Léon avait froid jusque dans les veines, mais sa tête brûlait.

Ils atteignirent la porte du petit hôtel. Marguerite l’ouvrit. Il n’y avait personne. Marguerite savait bien cela. Elle avait pris soin elle-même d’éloigner, sous prétexte des nécessités du service, tous les domestiques de Nita.

Elle traversa l’antichambre et introduisit Léon au salon, éclairé par une seule lampe.

— Asseyez-vous, dit-elle, Monsieur de Malevoy. Vous êtes chez moi. Vous ! un jeune homme ! vous êtes chez la princesse Nita de Clare !

Léon obéit, mais elle resta debout.

Léon la regardait.

Pas un instant l’ombre d’un doute ne lui vint. Elle porta la main à son masque, comme pour découvrir son visage, mais son bras retomba le long de son flanc.

— Non ! murmura-t-elle. Oh ! non, ceci est mon courage. Si votre œil était sur mes traits, je rougirais misérablement, et je pâlirais, et je tremblerais…, il me faut ce voile pour oser !

Léon gardait le silence. Il attendait, plein d’épouvante, mais aussi d’espoir.

Elle enleva, d’un geste violent, un châle de crêpe qui était jeté sur le guéridon comme par hasard. Sous le châle il y avait deux pistolets. Le vicomte Annibal avait rempli sa tâche.

— Tenez ! dit-elle d’une voix étouffée, j’ai de ces choses-là chez moi !

Léon essaya de se mettre sur ses pieds.

— Oh ! restez assis, fit-elle, nous ne sommes qu’au commencement !

Elle ajouta en repoussant les pistolets :

— Est-ce pour me défendre ? est-ce pour me tuer ? Je n’en sais rien moi-même ! Il y a des heures où je suis folle !

— Nita ! au nom de Dieu ! expliquez-vous ! s’écria Léon, pris d’une véritable angoisse.

Elle vint jusqu’à lui et prononça d’une voix brisée :

— Vous allez bien voir que je ne pouvais pas ôter mon masque… Monsieur de