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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/525

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de Malevoy, comment allez-vous me juger ?

— Je ne puis vous juger qu’avec mon cœur, Madame, murmura Léon. Pour moi, vous êtes pure comme les anges !

— Merci ! oh ! merci. Rose m’avait bien dit comme vous étiez généreux et bon…

Mais nous ne pouvons rester ici ! s’interrompit-elle en un frémissement, vous avez raison. Cette nuit humide m’entoure comme un manteau de glace… Venez !… Hélas ! où aller ? fit-elle avec une sorte de désespoir si admirablement joué que la poitrine de Léon se serra.

Elle reprit tout à coup :

— Que m’importe ce qu’ils diront et ce qu’ils penseront ! Venez chez moi ! Je veux que vous veniez chez moi !

Léon hésitait.

— Avez-vous peur ? demanda-t-elle.

Léon lui prit le bras et se mit à marcher.

Ils longèrent l’arrière-façade de l’hôtel dont chaque fenêtre épandait un large éventail de lumière. Les carreaux, chargés de sueur, ne montraient à l’intérieur que des ombres indistinctes.

Ils montèrent en silence la rampe douce, conduisant à la terrasse plantée de grands arbres qui servait de communication entre le petit hôtel et les appartements du comte.

Au travers des murs épais, la voix du bal passait : accords et murmures.

Marguerite s’arrêta devant la porte-fenêtre de l’aile en retour, au premier étage au-dessus du billard.

Là, derrière les rideaux fermés, ce n’était plus qu’une lueur triste et morne.

Le doigt étendu de Marguerite désigna la chambre du comte.

— Il y a ici un homme qui se meurt parce qu’il a voulu me défendre ! murmura-t-elle d’un accent tragique.

Et elle continua sa route.

Cette parole toute seule peut donner la mesure de son audace.

Elle allait droit son chemin, usant de toute arme et menant l’intrigue avec cet inflexible courage qu’on croit être l’apanage de la vérité.