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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/62

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VI

Bataille.


Le boulevard du Montparnasse n’est pas un de ces lieux qui aient beaucoup changé depuis le temps. À l’heure qu’il était, dix heures de nuit, vous le trouverez encore bien souvent sombre et désert.

Marguerite avait ouvert la fenêtre pour voir, précisément, si le boulevard Montparnasse était désert et sombre.

Elle fut satisfaite de son examen. En 1832, le gaz n’avait pas encore pénétré jusqu’à ces lointains pays. La longue voie bordée d’arbres dépouillés s’étendait à perte de vue, solitaire et muette. Les cris joyeux qui passaient dans l’air, voix avinées du carnaval, sortaient des guinguettes bien closes.

Marguerite referma sa fenêtre et dit en frissonnant :

— J’ai froid, maintenant ! grand froid !

Sa physionomie était si terriblement changée que Roland recula d’un pas en la regardant.

— Vous m’avez menti, reprit-elle, vous ne m’aimez pas.

Ce pouvait être maladroitement trouvé ; mais elle voulait brusquer l’aventure. Le boulevard était juste comme elle le souhaitait.

— Oh ! Marguerite !… balbutia Roland abasourdi.