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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/61

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dit-elle, que j’avais peur de t’aimer !

Sa voix languissait comme une plainte.

Roland se mit à genoux, car il faut bien en arriver là.

Les mains de Marguerite frémirent dans les boucles électrisées de sa chevelure ; puis, tout à coup, cette violente vibration de tout son être s’arrêta comme par enchantement.

Au premier instant, Roland ne s’en aperçut pas ; son attention était prise par un accident inopiné.

Il était arrivé, en effet, quelque chose. Peu de chose.

Dans le mouvement qu’il avait fait pour se mettre à genoux, le seul bouton qui attachait son pourpoint s’était rompu. Du pourpoint ouvert, le portefeuille de Thérèse s’était échappé. Il était à terre. Les billets de banque se dispersaient sur le parquet.

Si vous aviez interrogé Roland, il vous eût dit, en conscience, que les yeux de Marguerite ne s’étaient pas détournés de ses yeux, tant fut rapide et furtif le regard qu’elle darda aux billets tombés.

Roland n’aurait peut-être pas ramassé le portefeuille tout de suite, mais Marguerite se leva brusquement, disant :

— Il fait chaud ici, j’étouffe.

Elle alla ouvrir la croisée. Roland remit les billets de banque dans le portefeuille et le serra.

Marguerite, penchée au balcon, plongeait un regard attentif dans l’ombre du boulevard. Sa joue était livide, mais ses yeux brûlaient toujours, quoique ce fût d’une autre flamme.

— Vingt mille francs ! murmura-t-elle en elle-même.

Non seulement ce regard furtif avait vu, mais il avait compté.

Marguerite pensa encore :

— J’ai vingt ans passés. C’est l’heure ou jamais !