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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/64

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« Tu conspires ! » Et encore cette guitare : « Ah ! Marguerite, ne parlons pas de ma mère ! »

Elle éclata en un rire strident et forcé.

Roland baissa la tête et répéta douloureusement :

— Marguerite, je vous le dis encore : ne parlez pas de ma mère.

— Pourquoi cela, mon capitaine ?

— Parce que je ne le veux pas.

— Le roi dit : nous voulons ! s’écria-t-elle. As-tu payé pour être le maître ici ?

C’était bien, de sa part, un choix volontaire de paroles révoltantes, et cependant cette question la blessa au passage, car son visage tout entier s’empourpra.

— Marguerite, balbutia le pauvre grand garçon, au risque de mériter davantage cette lourde accusation de naïveté : dites-moi que vous jouez une affreuse comédie ou que vous êtes folle !

Il n’avait que dix-huit ans. Ces choses se disent à cet âge. Et le théâtre, qui est si vieux pourtant, les radote encore à son vieux public qui les boit sans faire autrement la grimace.

Mais Marguerite n’en voulut pas. Elle répondit, comme jamais ne répond le théâtre, ce ventriloque qui joue toujours la même scène avec deux ou trois voix qu’il a dans sa poche, à l’instar de l’Homme à la poupée.

Elle répondit :

— Les folles ne savent pas si elles sont folles ; les comédiennes ne donnent jamais le secret de leur comédie.

Je veux être franche autrement que cela, seigneur capitaine. Je me suis amusée une heure avec vous comme d’autres dépensent une heure avec moi. Voilà tout.

— Est-ce donc bien vrai, ce qu’on dit ? pensa tout haut Roland dont les grands yeux tristes se mouillèrent. Êtes-vous donc une si misérable femme !

Marguerite aiguisa un sourire mauvais, et répliqua :

— Ne dites pas de mal de votre mère, Monsieur Roland-sans-père !

Il se redressa comme si un serpent l’eût mordu. Marguerite soutint sans broncher le choc du feu de sa prunelle.