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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/65

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— Taisez-vous ! gronda-t-il d’une voix qu’elle ne connaissait pas.

Il semblait grandi dans sa colère.

— Holà ! holà ! fit-elle montée au paroxysme de son impudence. Faut-il joindre les mains et se mettre à genoux pour prier cette madone qui, depuis le temps, n’a pas su vous ramasser un nom de famille !

Elle était intrépide comme un démon, et pourtant elle recula quand Roland fit un pas.

Mais il ne fit qu’un pas. Sa main se plongea dans son gousset, et quatre grosses pièces de cent sous roulèrent avec bruit sur le guéridon.

La porte, ouverte violemment, étouffa en grinçant une sourde exclamation que Roland n’avait pas poussée et qui ne tombait point des lèvres de Marguerite.

Marguerite s’appuyait à l’angle de la cheminée.

Elle dit en voyant sortir Roland :

— Un beau jeune lion !

La figure blême et bouleversée de Joulou se montra sur le seuil, dès que Roland eut disparu. Il était venu là pour écouter et voir. Il avait une blessure au-dessous de l’œil droit, produite par la clef qui était en dehors et qui l’avait frappé au moment où la porte s’ouvrait brusquement.

C’était lui qui avait laissé échapper la sourde exclamation.

Il y avait de la rage dans le pesant affaissement de son ivresse.

— Ah ! tu étais là, toi ! fit Marguerite. Voilà ce que c’est que d’espionner ! C’est bien fait !

Elle écoutait en parlant.

Le pas lent et pénible de Roland descendait l’escalier.

Joulou entra.

— Que t’a-t-il fait ? demanda-t-il.

Sa langue épaisse s’embarrassa dans ces quatre mots.

Marguerite le regardait fixement et semblait hésiter.

— La brute est ivre ! murmura-t-elle.

Joulou porta la main sans précaution à la plaie vive qui gonflait sa joue et sa paupière. Sa gorge rendit un grognement :

— Que t’a-t-il fait ? répéta-t-il.