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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/7

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des charges, ne me permettent pas… vous m’entendez bien ?

— S’il reste quelque chose ici, Monsieur, l’interrompit Thérèse avec une indicible fatigue, ce doit être sur la cheminée, là-bas. Prenez ce qu’il y a, et ne vous donnez plus la peine de vous déranger.

Elle se retourna sur son oreiller.

Le docteur Samuel, sans beaucoup d’espoir, alla vers la cheminée. Ses yeux devinrent bons et caressants quand il vit briller les deux larges pièces d’or.

— Si fait, chère Madame, dit-il. Oh ! si fait, je reviendrai. Je ne suis pas de ceux qui abandonnent les pauvres clients. C’est peu, mais je m’en contente. Voyez-vous, dix francs la visite, c’est une véritable exaction ! À vous revoir, ma bonne chère dame. Envoyez chez mon pharmacien ; pas chez un autre… Dix francs la visite ! Ma parole, c’est révoltant !

La voix du docteur Samuel se perdit derrière la porte fermée. La malade était seule. Pendant quelques minutes, le silence complet qui régna dans la chambre permit d’entendre les bruits du dehors. Le jour baissait : la ville faisait tapage : c’était un soir de mardi gras. Parmi le grand murmure fait de mille cris qui enveloppe Paris festoyant, la voix rauque de la trompe du carnaval arrivait par brusques bouffées.

Au bout d’un quart d’heure environ, la malade se retourna et se mit sur son séant.

— Comme mon Roland tarde ! murmura-t-elle. Il doit être plus de quatre heures. Ce sera fermé chez le notaire !

Elle prit sous son oreiller, à l’aide d’un effort qui arracha un cri à sa faiblesse, un portefeuille en cuir de Russie dont les dorures ternies annonçaient, par leur prodigalité un peu sauvage, une fabrication allemande. Elle baisa ce portefeuille avant de l’ouvrir.

Ses yeux qui brûlaient la fièvre eurent une larme bientôt séchée.

Dans le portefeuille, il y avait vingt billets de banque de mille francs.