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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/74

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VII

La bande joyeuse.


Joulou tâtonnant comme un aveugle et pesant à deux mains sur ses yeux que le sang chaud brûlait, trouva la porte de la maison. Il rentra sans avoir été vu par la ronde de police, ni par la bande joyeuse qui sortait du cabaret de la Tour-de-Nesle.

Le froid était vif. Les rares fenêtres qui donnaient sur la partie du boulevard où le meurtre avait eu lieu étaient toutes fermées. Le crime, qui, pour une conscience large et mal éclairée, avait pris un instant les allures d’un duel, n’avait pas eu d’autres témoins que cette femme, penchée là-haut, à son balcon, et qui était complice.

Le secret mortel restait entre cette femme, Joulou et Dieu.

Les jeunes gens, tous costumés, qui descendaient la rue Campagne-Première, causaient et chantaient.

Ceux qui causaient disaient :

— Fin du carnaval ! la tirelire est vide, on a mangé la dernière montre, et le père Lancelot ne fait pas crédit.

Ceux qui chantaient, ivres à demi, répétaient avec fatigue et mauvaise humeur ce refrain qui avait bercé le dîner de Joulou :

Allons !
Chantons !
Trinquons !
Buvons !

Les uns et les autres bâillaient. Il faut bien s’amuser. Ainsi s’amusent trop sou-