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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/90

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— C’est donc le Grand Turc, ce M. Lecoq ? dit Letanneur en riant.

Beaufils répondit tout bas et avec emphase :

— Non… Il y a encore quelqu’un au-dessus de lui.

Ces paroles furent suivies d’un silence.

— Messieurs, dit le roi Comayrol d’un ton rassis, il faut éclairer la situation. Je vous prie de m’écouter attentivement, au nom de l’intérêt général. Je serai un peu long, j’en ai peur, mais je serai clair, et, quand j’aurai fini, chacun de vous pourra prononcer en connaissance de cause sur l’affaire Lecoq, qui est tout uniment notre radeau de la Méduse.

Parlons de nous d’abord, en tant que travailleurs vivant de notre peine. M. Beaufils est en dehors : il ne s’agit que de l’étude Deban proprement dite. Nous sommes finis, mes enfants, perdus, rasés. Un de ces matins, l’eau va passer à dix pieds au-dessus de notre tête. Tant pis pour ceux qui ne savent pas nager !

M. Deban, notre patron, ne m’a jamais fait que du bien ; je n’ai pas de mal à dire de lui. Vous l’aimez tous, je le sais, excepté le bon Jaffret, qui n’aime personne. Si nous sortons sains et saufs des décombres de sa baraque, nous pourrons lui être utiles un jour. Ça fait plaisir à penser. Moi, je ne lui refuserai jamais cent sous.

M. Deban est entré dans le notariat par la grande porte, comme un acteur à succès monte sur le théâtre. Il n’a eu qu’à paraître pour être applaudi. Il était riche, bien fait de sa personne, soutenu par une belle coterie et successeur de son père, qu’on appelait Deban l’Authentique, comme on dit Charlemagne ou saint Louis. Ce papa Deban était le notaire le plus notaire qui ait jamais, avec son collègue fantastique, notarié un « Il appert. » Amen !

On dit qu’il fut demandé à Mme Deban la mère, quand elle épousa le papa Deban, si elle consentait à prendre pour mari maître Deban et son collègue. On le dit.

Mais voilà le diable. Les générations se suivent et ne se ressemblent pas, le fils de