Page:Féval - L'Homme de Fer - 1856 tome 3.djvu/15

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la rive droite du Couesnon, que la mer haute mettait au plein de ses bords. La plaine présentait un singulier spectacle : les tentes et les baraques étaient encore en place, mais âme qui vive ne se montrait alentour. La fête dormait. Les cuisines foraines, éteintes, laissaient leurs fourneaux et leurs marmites à la garde de la foi publique : les étalages des marchands merciers, quincailliers et bimbelotiers avaient pour garnison quelque gros chien à la chaîne ou quelque enfant accroupi, la tête entre ses mains. Le tableau des onze mille vierges de Cologne, le tableau de Rollon Tête-d’Âne, et d’autres tableaux moins célèbres déroulaient au vent leurs haillons, chargés de couleurs violentes. Hélas ! parmi tous ces tableaux, le plus beau et le plus neuf manquait : celui où l’infortuné Rémy avait fait peindre l’Ogre des Îles dévorant un petit enfant. Un emplacement noir où la brise faisait tourbillonner la cendre, voilà tout ce qui restait de la plus brillante et de la plus courue des baraques. Ainsi passe le succès. Peut-être aurait-on eu de la peine à retrouver le lieu où s’élevait hier le théâtre à la mode, sans un écriteau insolent, fiché en terre et portant ces mots : Justice du comte Otto Béringhem.

Ceci était le comble. Le duc François savait-il qu’en son pays de Bretagne, à quelques pas de la bannière d’hermine, déployée et montrant sa fière