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LA BANDE CADET

Une fois, que les voisins ameutés lui reprochaient sa barbarie, le vieil homme répondit : « Elle ne veut pas apprendre sa prière. » Et jamais, sur ce même sujet, on n’eut d’autre réponse de lui que celle-ci : « Je veux qu’elle apprenne sa prière. »

Deux ou trois fois par an, à des époques qui n’étaient pas périodiques, le logis désert s’animait. On voyait arriver des équipages vers le soir, et Morand, le fanatique professeur de prières, venait recevoir son monde au portail.

En ces occasions, jamais la petite fille ne paraissait.

Sur chaque voiture qui entrait la porte de la cour se refermait aussitôt ; ceux qui avaient pu glisser un coup d’œil prétendaient que ces mystérieux visiteurs étaient toujours les mêmes : cinq ou six messieurs très élégants, deux belles dames, un vieux, vieux bonhomme, qui se soutenait à peine et qui avait l’air d’un mort mal ressuscité.

Les quatre fenêtres du grand salon s’éclairaient alors derrière leurs persiennes closes. Ordinairement, tout restait calme ; quelquefois, cependant, un bruit de querelle s’élevait, dominé par la voix du vieillard, tremblante, mais aiguë.