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DEUXIÈME PARTIE

montagnes qui bordent toute cette partie des rivages du Connaught.

Il avait serré son carrick autour de sa taille, et son chapeau, qu’il tenait à la main, laissait au vent les boucles gracieuses de ses longs cheveux noirs.

C’était un fier jeune homme. Tout en lui était force, intelligence et beauté.

Bien des pensés accompagnaient ce matin sa course solitaire. Ses yeux distraits ne voyaient point l’agreste magnificence du paysage.

L’esprit du jeune maître était ailleurs. Il songeait à sa tâche ardue ; il songeait à l’Irlande que la liberté ferait si opulente et si belle ! L’avenir passait devant ses yeux, l’avenir et aussi le passé.

Une jeunesse riante et insoucieuse, un bel amour tout plein de pures joies, une douce vierge au visage d’ange…

Il voyait Jessy O’Brien, la pauvre Jessy, sa fiancée.

Hélas ! et son sourire se glaçait. Son genou touchait pieusement la terre humide, et de sa bouche tombaient les paroles latines de la prière pour les trépassés…

Dans le pays des Saxons, une pauvre tombe avec une croix de pierre, voilà tout ce qui