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LES SAXONS.

restait de l’ange aimé, de la douce jeune fille pour qui la vie avait eu tant de promesses heureuses !

Morris avait le cœur serré. Quoi qu’il pût faire, la pensée de la morte se dressait au fond de sa conscience. Il restait sept jeunes hommes forts sous le toit de Mac-Diarmid. S’ils étaient partis tous ensemble pour Londres, peut-être lord George n’eût-il point osé…

Mais l’Irlande ! l’Irlande ! Morris était à un poste désigné, croyait-il, par le doigt même de Dieu. Quitter ce poste, c’eût été faiblir, c’eût été presque trahir !

Oh ! comme son âme dépouillait en ce moment son manteau de froideur sévère ! comme tout son sang bouillait à la pensée de l’assassin ! Il n’avait plus à mettre sa prudence calculée au-devant de la fougue d’autrui ; il était seul avec lui-même ; son cœur n’avait plus à compter ses battements…

Lord George, le lâche et le cruel ! La main de Morris se crispait autour de son dur shillelah.

Ce bois vaut mieux que du fer ; il brise les épées, et malheur à lord George s’il se fût trouvé là, dans le chemin !…

D’autres idées venaient. Morris savait que